La naissance de l’ASEAN
L’Association des Nations du Sud-Est Asiatique s’est constituée en août 1967 en s’appuyant sur une précédente organisation, l’Association de l’Asie du Sud-Est. À l’origine composée de cinq membres fondateurs (Indonésie, Philippines, Singapour, Malaisie et Thaïlande), elle avait pour objectif de promouvoir le développement économique et la stabilité dans une région marquée par la guerre du Vietnam, la peur de la propagation du communisme et de la Révolution culturelle. Elle regroupe aujourd’hui dix pays, suite à l’adhésion de Brunei en 1984, du Vietnam en 1995, de la Birmanie et du Laos en 1997 ainsi que du Cambodge en 1999. L’Inde voyait dans cette association un outil de la stratégie américaine de containment, chargée de contrer l’expansion du communisme et de la RPC, alors que New Delhi était plus favorable à Moscou tandis que la RPC, en pleine Révolution culturelle, s’en méfiait.
De plus, Pékin n’entretenait de relations diplomatiques avec aucun d’entre eux et la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie et Singapour ne l’avaient pas reconnu. Dans les premières années, ce ne sont que les ministres des Affaires étrangères des pays membres qui se rencontrent, mais à partir de 1976, les chefs de gouvernement participeront à leur tour à des sommets. Les États de l’ASEAN connaissent une croissance économique grâce aux investissements étrangers et les grandes puissances commencent à les considérer comme des partenaires commerciaux. C’est en 1989 que sera créée la coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) et, en 1994, le Forum Régional de l’ASEAN (ARF) qui permettra d’établir un dialogue avec de nombreux pays, non membres de l’ASEAN.
Un rapprochement avec la Chine, puis l’Inde
C’est la Chine qui initiera la première un rapprochement avec l’association, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est à mettre en parallèle avec le processus de normalisation avec les États-Unis ainsi qu’avec la volonté d’amoindrir l’influence de Taïwan. D’autre part, les membres étaient inquiets par les insurrections communistes qui frappaient la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande, aussi ils se rapprocheront de Pékin à partir de 1974. Avec la disparation de l’OTASE en 1977, la RPC pouvait développer une véritable diplomatie en Asie du Sud-Est, sur fond de tension sino-vietnamienne. Après le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Indonésie en août 1990, l’ASEAN devient une pièce importante de la diplomatie chinoise dans la région. La Chine assistera en juillet 1991, en tant qu’observatrice, à une réunion de l’ASEAN et sera invitée à tous ses sommets jusqu’en 1996, date à laquelle la RPC devient officiellement un partenaire régulier de dialogue. De manière plus tardive, c’est avec la mise en place de la Look East Policy au début des années 1990 que l’Inde va amorcer son rapprochement avec une région qu’elle avait délaissé depuis les années 1960. Il sera facilité par le désir de la part de l’ASEAN de contrebalancer l’influence grandissante de la Chine. L’Inde deviendra partenaire de dialogue avec l’association en 1995.
Les forums de l’ASEAN
En 1993 est évoqué par l’ASEAN un forum régional, l’Asian Regional Forum (ARF), qui regrouperait les États de la zone Asie-Pacifique avec pour mission d’aborder les questions de sécurité et d’établir un dialogue constructif dans la région. La première réunion a eu lieu en juillet 1994 à Bangkok et l’ARF compte aujourd’hui 27 membres dont la Chine, dès 1994, l’Inde en 1996, l’Union européenne et la Russie. La crise asiatique de 1997 montrera que l’association restait impuissante, car elle n’était pas dotée d’instrument de pouvoir et c’est à partir de cette date que la Chine et l’Inde vont s’investir de plus en plus sur la scène régionale. Pour prévenir tout nouveau risque de déstabilisation financière, l’association créera l’ASEAN + 3 (RPC, Japon, Corée du Sud) qui s’étendra progressivement aux domaines politiques et sécuritaires après s’être concentré sur l’économie. En 2001, la Chine proposera l’établissement sous dix ans d’une zone de libre-échange RPC-ASEAN et en 2006, elle deviendra le troisième partenaire commercial de l’association, après les États-Unis et le Japon.
Commerce et communauté asiatique
Ce commerce qui n’était que de 859 millions de dollars en 1978, quand l’association n’avait que cinq membres, sera de 202 milliards en 2007. Quant à l’Inde, elle avait demandé en 2000 à être intégrée à l’ASEAN + 3, ce qui lui sera refusé. Néanmoins, un dialogue annuel Inde-ASEAN s’instaurera en 2002, l’Inde s’est donc hissée au niveau institutionnel de la Chine, de la Corée du Sud et du Japon. Elle signera un accord de coopération économique avec l’association en 2003 et en 2004, un « Partenariat pour la paix, le progrès et la prospérité partagée » lors du sommet de Vientiane, tout en négociant des accords bilatéraux de libre-échange avec le Japon et la Corée du Sud. En 2003, ses membres se sont fixé trois objectifs ambitieux pour 2020, la mise en place d’une communauté de sécurité, d’une communauté économique et d’une communauté socioculturelle, trois piliers d’une future Communauté des nations d’Asie du Sud-Est.
L’Inde est plus favorable à une communauté asiatique que la Chine, d’autant qu’elle n’est pas membre de l’ASEAN + 3. Les deux pays n’ont donc par la même vision sur la construction régionale, la Chine a une conception restrictive et centrée sur l’ASEAN + 3 tandis que l’Inde a une conception plus ouverte sur l’extérieur. Cette divergence de vues s’est manifestée en 2005 lors de la création du Sommet de l’Asie orientale. La Chine le voulait composé seulement de l’ASEAN + 3 alors que le Japon défendait l’intégration de l’Inde ainsi que de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande dans le but de prévenir tout risque de domination chinoise. Aussi, avant le sommet prévu en décembre, l’ASEAN a convié l’Inde dès mai et quelques semaines plus tard, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
L’association et ses différents forums de rencontres se retrouvent au cœur de luttes d’influence entre la Chine et le Japon, ainsi qu’entre la Chine et l’Inde. De plus, les États-Unis ne sont pas absents de l’équation et ils s’appuient sur leurs alliés et partenaires traditionnels en Asie pour mener une politique qui cherche à la fois à intégrer la Chine dans la région dans le but d’en faire un acteur responsable tout en consolidant son réseau d’alliance pour se prémunir au cas où le partenariat avec la Chine s’avérerait non viable. Cette double politique est également pratiquée par l’Inde qui, tout en cherchant à se rapprocher de la Chine, fortifie sa relation avec le Japon et les États-Unis.
Données de 2012, mise à jour en cours.