Bien que la zone du Ladakh où se déroule actuellement les tensions sino-indiennes ne fasse pas partie du Jammu-et-Cachemire comme tend à le rappeler le gouvernement indien en avertissant Twitter, cet État n’est pas séparé seulement entre le Pakistan et l’Inde, la Chine en occupe également une partie.
Depuis l’affrontement de juin, c’est bien la zone du Ladakh, le Ladakh Union Territory (LuT), qui est sur le devant de la scène. Malgré une nouvelle rencontre entre hauts gradés le 6 novembre, la huitième, la situation a peu évolué. La Chine ne reconnait toujours pas le LuT ni l’Arunachal Pradesh et elle demande à l’Inde de se retirer du mont Kailash ou elle avait préventivement pris position dans la nuit du 29 au 30 aout. Pékin accuse l’Inde d’avoir brisé le statu quo malgré le fait que ses propres troupes aient occupé peu de temps auparavant la rive nord du lac Pangong Tso.
Cependant, les discussions continuent, le chef de l’armée de terre indienne étant confiant dans le fait que les deux parties puissent trouver un accord qui ne soit pas simplement une évacuation des troupes et ainsi éviter une nouvelle escalade qui pourrait dégénérer en un conflit plus étendu. Maintenant que les Indiens ont pris position sur le Kailash, il est peu probable qu’ils l’évacuent vu l’importance stratégique de cette hauteur ne souhaitant pas répéter l’erreur commisse en 1962. En cas de départ, il est presque certain que l’APL occuperait les lieux, fragilisant les positions indiennes dans toute la zone du lac Pangong Tso.
Quel plan pour une désescalade ?
En l’état, le plan de désescalade se déroulerait en trois phases, la première avec le retrait des armes lourdes et des tanks de part et d’autre (T-72 indiens et Types-99s chinois), la seconde avec le retrait de 30% des troupes présentes sur une durée de trois jours et la dernière phase, le retrait des troupes restantes. Ce plan serait surveillé par des délégations communes assistées de drones. Même si ce plan, ou une autre version impliquant un retrait des troupes, voit le jour, on sait que du côté indien, il est prévu un renforcement substantiel des effectifs des deux armes dans la zone avec le déploiement de nouvelles divisions d’infanterie ainsi qu’un soutien aérien et logistique plus important.
Cependant, les discussions sino-indiennes, que ce soit au niveau local, mais aussi entre les représentants gouvernementaux, pourraient s’élargir à d’autres zones de tensions et plus seulement au Ladakh. En effet, une zone du cachemire revendiquée par la Chine et conquise pendant le conflit frontalier de 1962, l’Aksaï Chin, est une source importante de tensions, car elle implique directement le Pakistan qui a commencé à négocier dès 1960 le tracé de la frontière entre la zone du cachemire qu’il contrôle et la Chine. En 1963, après le conflit sino-indien, il a cédé une partie du territoire à la Chine, la passe stratégique de Karakoram, en échange du soutien de Pékin sur la question du Jammu-et-Cachemire, la Chine revenant ainsi sur ses précédentes déclarations.
Comme je l’ai déjà évoqué dans mes chroniques, l’historique et le tracé de la frontière sino-indienne sont marqués par de nombreuses déclarations contradictoires et des ambiguïtés qui ont pesé lourd lors de la forward policy, du conflit de 1962 et des affrontements ultérieurs, mais les tensions au Ladakh ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt, celle où les engins de chantier aménagent des routes de part et d’autre, ou les points d’appui fortifiés se multiplient et où le déploiement de nouvelles troupes est devenu prioritaire.
On assiste bien à une remilitarisation d’une frontière de 4500 km et aux prémices d’une nouvelle forward policy.
Plus de détails (en anglais ) sur :
India-China talks on the standoff: Cautious optimism?
The Forgotten Fact of “China-Occupied Kashmir
If India loses grip on Kailash Range, PLA will make sure we never get it back
Govt issues notice to Twitter for showing Leh as part of Jammu and Kashmir