Les gouvernements européens voyaient d’un mauvais œil les appels pressants formulés par Nehru en faveur de la décolonisation. Cependant, la construction européenne ne le laissa pas indifférent et un ambassadeur de l’Union indienne sera détaché auprès de Bruxelles au début des années 1960, la Commission européenne faisant de même. Marquée pendant la Guerre froide par une aide au développement plutôt qu’une relation politique et économique de première importance, c’est à partir de 1991 que la relation indo-européenne va évoluer, cela débutera par un approfondissement des relations économiques. Le premier sommet Inde-UE s’est tenu à Lisbonne en juin 2000 et en 2005, tandis qu’un « partenariat stratégique » était créé, les exportations vers l’Europe représentaient 23 % du total des exportations indiennes contre 20 % de ses importations, mais malgré une évolution favorable à l’Asie du Sud, les pays européens investissaient beaucoup plus en Chine qu’en Inde.
Depuis 2007, l’Inde et l’UE négocient pour parvenir à un accord de libre-échange, mais les discussions achoppent sur les médicaments génériques ainsi que sur les produits ayurvédiques, interdits dans l’Union européenne depuis le 1er mai 2011. Cependant, l’Inde est présente dans les grandes compagnies européennes, comme EADS et elle participe au projet Galileo et à ITER, le réacteur à fusion en cours de développement, tout comme la Chine.
La vision européenne de l’Inde
Les Européens avaient condamné les essais nucléaires de 1998 sans toutefois imposer des sanctions et, depuis, l’UE poursuit une politique de coopération. Selon la Commission européenne, le partenariat stratégique de 2005 repose sur quatre objectifs:
– La coopération internationale à travers le multilatéralisme,
– Le renforcement de l’interaction commerciale et technique,
– La coopération en faveur du développement durable et de la protection de l’environnement ainsi que la lutte contre la pauvreté,
– L’amélioration continue de l’entente mutuelle et des contacts entre les sociétés civiles.
La vision indienne de l’Europe
L’image de l’UE est ambiguë en Inde alors que si l’on agrège les performances commerciales de ses différents États membres, l’Europe devient son premier partenaire commercial. Au milieu des années 1990, l’Inde voyait dans l’Europe un contrepoids possible aux États-Unis, mais l’impuissance européenne dans les Balkans et le nouveau regard porté par Washington sur l’Inde ont passablement affaibli ce diagnostic. Après les essais nucléaires de 1998, l’Inde a redoré son blason auprès des Européens en faisant preuve de retenue lors du conflit au Kargil. Elle se sent plus proche intellectuellement de l’Europe que des États-Unis et souhaiterait qu’elle constitue un pôle de puissance international pouvant représenter une alternative aux États-Unis. En retour du soutien français et allemand à un siège au CSNU, l’Inde soutient la candidature de l’Allemagne.
Malgré les liens qui l’unissent à Bruxelles, New Delhi constate les limitations imposées par les dissensions internes à l’Europe, incapable d’avoir une vision commune, ce qui s’est manifesté à l’occasion de la guerre en Irak. La lenteur avec laquelle le vieux continent développe sa défense déçoit l’Inde et elle s’interroge sur les limites de la construction européenne, l’Union ayant choisi de s’élargir avant de renforcer ses structures de gouvernement. Une Europe élargie n’en donnera que plus d’hétérogénéité la rendant encore plus difficile à comprendre et la politique étrangère indienne tend alors à se focaliser traditionnellement sur quatre membres majeurs de l’UE, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie, car ce sont ceux qui sont les plus importants dans les domaines du commerce, des IDE, des jointventures, de la collaboration industrielle et des transferts de technologie[1]Jain Rajendra, India and an Enlarging European Union, 2004..
L’Inde et la France
Les relations diplomatiques étaient troublées par les positions françaises d’après-guerre tandis que les relations culturelles et économiques se développaient à des rythmes variés. Le vrai rapprochement commencera avec la Cinquième république, la présidence gaullienne étant marquée par le souci d’indépendance de la France tandis que l’Inde tenait une place de choix dans le Mouvement des non-alignés. Les visites de Valéry Giscard d’Estaing en 1980 et de François Mitterrand en 1982 donneront un nouvel élan aux relations économiques et politiques, bien que la France reste encore un partenaire économique mineur. La visite de Jacques Chirac en janvier 1998 conduisit à l’établissement d’un « partenariat stratégique », d’un Forum d’initiative franco-indien ainsi que d’un dialogue stratégique un an plus tard qui prévoyait des rencontres régulières de haut niveau, favorisé par le refus français d’imposer des sanctions à l’Inde après les essais de 1998. Trois domaines de coopération sont au cœur du partenariat, la lutte contre le terrorisme, les coopérations de sécurité et de défense et la coopération dans le nucléaire civil.
Données de 2012, mise à jour en cours.