L’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne a publié début septembre un rapport sur l’impact que peut avoir la pandémie sur les opérations de la PSDC, et plus particulièrement sur les retours d’expériences qui pourraient enrichir la conduite de celle-ci. En effet, alors qu’en l’espace de huit semaines (à partir de mars 2020) la moitié du personnel déployé dans les OPEX de la PSDC a dû être évacué, toutes les missions, civiles ou militaires, n’ont pas été affectées de la même manière. Et, malgré la tragédie, l’observation de la conduite d’une PSDC confrontée à une crise majeure devrait grandement améliorer sa coordination et son fonctionnement.
La communication au début de la crise
Sans surprise, il en ressort que la pandémie a eu un fort impact sur la transmission d’informations entre la Civilian Planning and Conduct Capability (CPCC), qui coordonne les missions civiles, le Military Planning and Conduct Capability (MPCC), qui dirige les opérations militaires, et les opérations sur le terrain, et cela pour de multiples raisons inhérentes au fonctionnement même de la PSDC.
Les premières instructions données par le CPCC datent du 6 mars 2020, celles du MPCC du 12 mars et, dès le 16 mars, ces dernières seront mises à jour. Alors qu’il n’y avait aucune coordination entre le CPCC et le MPCC, les coordinateurs sur le terrain devront composer, avant la fin du mois de mars 2020, avec des instructions neuf fois mises à jour tandis que certains États membres rapatriaient leur personnel, que le fonctionnement du Comité politique et de sécurité (COPS) et plusieurs organismes essentiels à la coordination de la PSDC étaient perturbés par l’arrêt des réunions, provoquant une reconduction d’urgence des mandats.
Par exemple, sur le terrain, si le personnel « non essentiel » devait être rapatrié, mettre en œuvre cette directive était compliqué, la catégorisation entre « essentiel » et « non essentiel » évoluant au fil des mises à jour des instructions, certains États membres rapatriant d’office leur personnel sans attendre lesdites instructions. De plus, les compagnies d’assurance chargées des évacuations médicales étaient débordées et l’UE devait également prendre en compte la sécurité du personnel sous-traitant. Face à ce constat, en juin 2020, le Conseil européen, demandera aux États membres de renvoyer rapidement leurs ressortissants, et les moyens, affectés aux missions civiles et militaires, et ce, dès juillet. Mais il faudra attendre la fin du mois d’octobre 2020 pour que 80 à 85% du personnel revienne, juste au moment de la deuxième vague en Europe qui provoquera de nouveaux départs.
L’impact sur les missions
À la fin du mois d’avril 2020, les missions d’entrainements de l’UE et les missions civiles avaient été mises en parenthèse et seules certaines missions militaires, comme Atalanta, l’EUFOR en Bosnie, l’EULEX au Kosovo et l’EUMM en Géorgie, restaient opérationnelles. Elles avaient en commun d’impliquer la plupart des États membres et d’être considérées comme essentielles. Il ne s’agissait pas d’entrainer ou de renforcer les capacités des autorités civiles ou militaires locales, mais de surveiller et de stabiliser, deux missions qui ne pouvaient souffrir d’aucun délai dans des théâtres d’opérations comme la Bosnie, le Kosovo ou la Géorgie.
Cependant, en prenant l’exemple des missions d’entrainement, l’image de l’Union européenne auprès des autorités locales a souffert du départ précipité de son personnel alors que le pays hôte était lui aussi en crise. Il en ressort que, dans l’esprit des décideurs européens, ces pays hôtes, la plupart en Afrique, allaient être rapidement et durement frappés par la pandémie, ce qui ne fut le cas que plus tard. Ainsi, le personnel des missions de l’UE aurait été plus en sécurité en restant sur place qu’en revenant dans leur pays ou le système de santé était déjà saturé.
Les conséquences de la pandémie
Sur le plan des communications, la crise a provoqué un renforcement de l’utilisation des outils numériques. Même avec une présence faible sur le terrain, le personnel des missions pouvait, par le télétravail et la visioconférence, maintenir un contact minimum et permettre la conduite des taches les plus importantes. Cela implique de renforcer les moyens technologiques disponibles sur le terrain.
Quant aux missions les plus essentielles pour l’UE, par l’importance de leurs effectifs et leur proximité géographique, elles bénéficiaient d’une flexibilité et de ressources leur offrant une certaine résilience alors que le fonctionnement d’autres missions était perturbé.
À Bruxelles, la création d’une Task Force dédiée à la gestion de la crise du Covid-19 a contribué à rationaliser l’action de l’UE, et ce, dès la fin du printemps 2020. Plusieurs rapports, publiés à partir d’aout, pointeront les éléments à améliorer et les défauts à corriger. Par exemple, un renforcement des structures médicales au sein des missions civiles, ces dernières devant profiter du matériel des missions militaires lorsqu’elles sont situées dans le même pays.
Plus largement, il apparait qu’il est nécessaire de fusionner les structures de commandement quand c’est possible afin d’augmenter la coordination, mais aussi de savoir qui est responsable de l’évaluation des risques et de la décision d’évacuer le personnel, que ce soit dans le contexte d’une pandémie ou d’autres évènements pouvant menacer la mission.
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Ainsi, alors que les débats sur l’autonomie stratégique européenne restent au stade de débats, que l’UE doit se donner les moyens de se positionner comme un acteur international crédible, et pas seulement dans certains domaines où elle possède une réelle expertise, la crise du Covid-19 devrait, si les recommandations sont appliquées et les mesures implémentées, amplifier l’efficacité des missions civiles et militaires de l’Union européenne.
Pour aller plus loin (en anglais) :
The impact of Covid-19 on CSDP – Forging opportunity out of crisis