Chaque année, l’Union européenne dresse, à travers deux rapports, le bilan du principe « Un pays, deux systèmes » et du respect de l’application des « Lois fondamentales » à Hong Kong et Macao, et ce, depuis leur rétrocession à la Chine, respectivement en 1997 et 1999. Si, malgré quelques craintes, l’accord de rétrocession est globalement respecté à Macao, ce n’est pas le cas à Hong Kong. L’entrée en vigueur le 30 juin 2020 de la Loi sur la sécurité nationale et la réforme récente du système électoral confirme la volonté de la part de Pékin de ne pas attendre 2047 pour effacer l’autonomie de Hong Kong.
La rétrocession de Hong Kong et Macao, un peu d’histoire
Pour les institutions européennes, et en particulier le Parlement européen, le respect des statuts de Hong Kong et Macao en tant que « Région Administrative Spéciale » devait être surveillé, d’où la volonté de publier régulièrement un rapport sur les anciennes colonies européennes. Par la signature des accords de rétrocession en 1984 avec le Royaume-Uni et en 1987 avec le Portugal, la Chine s’était engagée à maintenir pendant cinquante ans, par le respect des « Lois fondamentales », une certaine autonomie à Hong Kong et Macao.
Le regard des institutions européennes
En décembre 1996, au Conseil européen de Dublin, le Conseil et la Commission avaient fait part de leur attachement « à la poursuite de relations étroites avec la RAS au sein de l’OMC », rappelant leur droit à « disposer d’institutions démocratiques représentatives ». En juin 1997, peu avant le rattachement officiel de Hong Kong prévue le 1er juillet, le Parlement européen profitera de sa résolution sur la communication de la Commission sur les relations entre la Chine et l’Europe pour rappeler les conditions prévues dans la déclaration sino-britannique. Principalement la défense d’un « degré élevé d’autonomie » synonyme d’une forme de liberté d’expression, sauf dans le domaine de la politique étrangère et de la défense. Malgré les changements de législature, le PE modifiera peu l’orientation de ses résolutions, à la différence de la Commission dont les communications oscilleront entre pragmatisme et optimisme mesuré.
L’épisode de la tentative de démocratisation tardive de Hong Kong lors du dernier gouvernorat de Chris Patten est source d’appréhension pour les pays européens, la réaction face à Tiananmen y ayant été particulièrement virulente à l’encontre du régime de Pékin. C’est pourquoi il est prévu que la Commission présente avant leur rétrocession un état des lieux des liens entre les deux enclaves et l’Europe ainsi que la publication annuelle d’un rapport y analysant la situation après les rétrocessions, tout en appelant au respect des accords signés en 1984 et 1987. Les communications sur Hong Kong et Macao mettront en avant les liens personnels étroits, les valeurs en commun, la forte implication économique et les intérêts politiques de la Communauté. Les deux Régions Administratives Spéciales doivent ainsi garder leur rôle international, par exemple en disposant d’une voix distincte dans les organisations internationales.
L’autonomie de Hong Kong remise en question ?
Dans les années 1980, Deng Xiaoping mettait en avant la nécessité pour Hong Kong d’être dirigé par des « patriots », c’est-à-dire des gens ayant un respect pour la nation chinoise, supportant le retour de Hong Kong au sein de la Chine sans être nécessairement en accord avec le système politique de la République populaire de Chine. À la différence de cette vision revendiquée par Deng Xiaoping, l’actuel dirigeant chinois a choisi d’accélérer l’intégration de l’ancienne colonie britannique au sein de la Chine, et ce, bien avant 2047.
Deux lois contestées, extradition et sécurité nationale
Dans la perspective de briguer un troisième mandat en tant que Secrétaire général du PCC, Xi Jinping ne peut se permettre de voir resurgir des manifestations populaires comme la « Révolution des Parapluies » en 2014 qui réclamait l’instauration d’un suffrage universel ou comme en juin 2019 pour protester contre un projet de loi sur l’extradition des opposants politiques en Chine. C’est pourquoi a été adopté en juin 2020 lors d’un vote à l’Assemblée nationale populaire, malgré la protestation de résidents hongkongais, une Loi sur la sécurité nationale (LSN) qui criminaliserait la sécession de Hong Kong, la subversion contre le gouvernement chinois et la collusion avec les forces étrangères.
Cette loi a poussé les militants prodémocraties à stopper leur protestation, voir à s’exiler comme dans le cas de Nathan Law, par crainte d’être arrêté. Elle aurait également, selon le rapport, poussé les universitaires, les médias et les membres de la société civile à avoir recours à l’autocensure par crainte là aussi de poursuites pour « collusion » avec des forces étrangères. Par ailleurs, selon le rapport de l’UE, environ 10000 personnes ont été arrêtées pour des délits en vertu de la LSN et 20% de celles-ci poursuivies en justice.
Intégration culturelle et économique
Néanmoins, si la LSN permet aux autorités locales de cibler toutes contestations, d’autres éléments sont nécessaires pour que Hong Kong soit assimilé au plus vite au sein de la RPC. Cela passe par de grands projets économiques et par une révision du système éducatif.
Pour le développement économique, le projet phare est « Lantau Tomorrow Vision », la création d’iles artificielles afin d’augmenter l’espace constructible pour des bureaux et des logements bien que ce projet rencontre une forte opposition, notamment en raison de son impact sur l’environnement et les risques encourus face à la montée des eaux. Pour l’intégration économique, le grand projet est celui de la « Greater Bay Area » qui doit connecter la province de Guangdong, Macao et Hong Kong par la construction d’aéroports, de nouveaux ports et d’importantes infrastructures autoroutières, dont des ponts comme le Hong Kong-Zhuhai-Macao Bridge.
Quant à l’éducation, un sondage de The Economist paru en aout 2019 nous enseigne que, si en 1997, environ une personne sur cinq se considérait comme chinoise, aujourd’hui c’est moins de 10% et l’on approche les 2% pour les 18 à 39 ans. Ainsi, l’identité hongkongaise reste bien présente et semble se renforcer, au grand dam de Pékin. Pour contrer ce phénomène, les autorités chinoises auraient favorisé l’implantation dans les iles de la Cité de Chinois originaires des provinces continentales, en particulier de celle de Fujian. Ces derniers ont compté parmi les plus fidèles supporters du gouvernement de la RAS lors des manifestations en 2019, se rangeant du côté des forces de police contre les manifestants. En 2019, les programmes scolaires ont également été révisés, se focalisant sur l’histoire chinoise tout en donnant comme mission aux membres de l’Education Bureau (EDB) de rapporter tout comportement ou soutien envers le mouvement pro démocratie.
Une nouvelle loi électorale contestée à Hong Kong
Dernièrement, c’est l’adoption le 11 mars 2021 d’une nouvelle loi électorale qui fait débat. Si le système des élections à Hong Kong est loin d’être démocratique, sous domination britannique ou chinoise, l’« Election Committee » en est le cœur. Il doit choisir l’exécutif et nommer les candidats au conseil législatif, le LegCo. Auparavant composé de 1200 membres (400 en 1997), il comptera désormais 1500 membres, les 300 supplémentaires directement nommés par l’Assemblée Nationale Populaire, les autres étant issus des milieux économiques, religieux et syndicalistes, entre autres.
Cette nouvelle loi électorale est dénoncée à la fois par l’UE et par le G7 (sans la Russie) comme une atteinte à l’accord sino-britannique signé en 1984, aux libertés fondamentales, au principe « un pays, deux systèmes » et à la loi fondamentale de Hong Kong. Ainsi, repoussées d’un an pour cause de Covid, les élections qui devaient se tenir le 6 septembre 2020 sont sans grand suspens quant au verdict.
Rien à signaler dans la RAS de Macao, ou presque
La situation est différente à Macao ou, selon la Commission européenne et le HR, la loi fondamentale et le principe « un pays, deux systèmes » continuent d’être appliqués malgré quelques craintes sur la liberté des médias et les risques d’autocensure. En effet, alors que le suffrage universel n’est pas appliqué à Macao, et qu’il ne l’a jamais été, certaines institutions, comme l’administration publique, font face à une série de restructurations. Le 16 novembre 2020, la déclaration du Chef de l’exécutif de la RAS indiquant que le gouvernement préparait une loi pour protéger les documents confidentiels a soulevé quelques inquiétudes. L’idée de défendre la sécurité nationale est là aussi à l’ordre du jour même si la situation est encore loin d’être celle qui existe désormais à Hong Kong.
Quel bilan pour les RAS ?
Si la situation à Macao, la ville du jeu, semble lui permettre d’attirer sa clientèle, qu’en est-il pour les milliers d’entreprises qui ont leur siège à Hong Kong, dont 1500 Européennes pour un investissement total de 163 milliards d’euros ? Est-ce que le renforcement de l’emprise de Pékin sur la cité-État va engendrer ce que même le Covid n’a pu faire, c’est-à-dire perturber les affaires. En effet, malgré la pandémie, les échanges entre l’UE et Hong Kong ont dépassé 27 milliards d’euros en 2020, ce qui fait de Hong Kong le douzième partenaire commercial de l’UE en Asie. Mais au-delà de l’UE, Hong Kong est la porte d’entrée, et de sortie, des investissements en Chine, 60% des FDI passent par elle.
Sachant que la plupart des membres du LegCo sont des hommes d’affaires propékin, est-ce que la loi sur la sécurité nationale, ainsi que la nouvelle loi électorale, risquent de refroidir les investisseurs ? Menaçant alors la place privilégiée qu’occupe Hong Kong dans la finance et le commerce international ?
Pour aller plus loin (en français) :
Hong Kong: déclaration du haut représentant, au nom de l’UE, sur le système électoral
Région administrative spéciale de Hong Kong : Rapport annuel 2020
Région administrative spéciale de Macao: rapport annuel 2020
Pour aller plus loin (en anglais) :
Almost nobody in Hong Kong under 30 identifies as “Chinese”
2016 Election Committee Subsector Elections – Facts and figures
Hong Kong: G7 statement on electoral changes
Hong Kong: EU report highlights alarming political deterioration
Hong Kong ‘patriot’ games: After the political system, will the judiciary be Beijing’s next target?