Tandis qu’elle occupe la présidence du Conseil de l’Union européenne, l’Allemagne expose de nouveau une politique asiatique ambitieuse en épousant le concept d’Indo-Pacifique. Le 22 septembre 1993, le gouvernement fédéral allemand avait présenté son approche de la région asiatique et les bénéfices que le pays pourrait retirer d’un renforcement des relations entre l’Allemagne et la région asiatique.
Avant tout, cette politique visait à l’accroissement du commerce bilatéral et des débouchés pour l’industrie allemande, mais aussi au renforcement de la coopération internationale et le développement d’une relation politique. Les grandes lignes de cet AsienKonzept se retrouveront dans l’esprit de la « Nouvelle stratégie asiatique » que le Conseil européen adoptera en juillet 1994, alors que l’Allemagne assurait, là encore, la Présidence du Conseil.
Dans son document paru en septembre 2020, “Germany-Europe-Asia : Shaping the 21st century together – Policy guidelines for the Indo-Pacific”, le ministère fédéral liste les principes et intérêts que l’Allemagne doit promouvoir et défendre dans la région Indo-Pacifique :
- La paix et la sécurité: Outre les trois puissances nucléaires clairement identifiées comme telles, la Chine, l’Inde et le Pakistan, le programme nord-coréen est source d’inquiétudes pour Berlin d’autant que la région connait un regain de tensions en raison des contentieux territoriaux, terrestres entre l’Inde et la Chine par exemple, ou maritimes avec les Spratleys,
- Diversifier et renforcer les relations: Bien que l’Allemagne ait établi des relations avec la plupart des États de la région, y compris des partenariats stratégiques, l’objectif serait désormais de renforcer les relations avec les États démocratiques, mais aussi de renforcer avec tous les pays le dialogue sécuritaire. Il faut également lutter contre l’hégémonie et ne pas revenir à l’époque de la Guerre froide ou les États étaient obligés de choisir entre deux camps,
- Libre circulation et libre marché: Devant l’inquiétude soulevée par les tensions en mer de Chine, Berlin milite pour que les routes commerciales et les détroits restent ouverts, mais aussi pour un commerce sans entrave, un respect du droit international et un renforcement du multilatéralisme en ce sens. Sujet de première importance pour Berlin, l’Asie représentant 20% de son commerce international.
- La lutte contre le changement climatique: dans une région comme l’Asie ou la croissance économique s’accompagne d’une augmentation des émissions, comme ce fut le cas en Europe pendant sa révolution industrielle, il est important de mettre en place des mesures afin de limiter l’impact de la croissance économique et démographique sur l’écosystème.
Voilà les axes principaux sur lesquels l’Allemagne va travailler afin de peser en Indo-Pacifique avec l’ambition, salutaire pour l’action extérieure de l’Union européenne, de « promouvoir une stratégie européenne pour l’Indo-Pacifique ».
Bien que l’Allemagne ne soit pas membre de l’Asean Regional Forum ni du East Asia Summit, elle a le statut de « partenaire de dialogue » au sein de l’Indian Ocean Rim Association (IORA) depuis 2015. En 2017, elle a renforcé sa coopération maritime avec l’Inde, les deux pays, avec la France, défendant la liberté de navigation et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Dans le domaine sécuritaire, Berlin souhaite également fournir des sous-marins à Delhi, mais sa marine ne possède pas la puissance qui lui permettrait de réellement peser en Asie.
En plus de l’Inde, l’ASEAN, le Japon, le Vietnam, la Chine et la Corée du Sud sont les autres pays prioritaires pour Berlin.
Pour aller plus loin (en anglais) :
Germany-Europe-Asia : Shaping the 21st century together – Policy guidelines for the Indo-Pacific