L’histoire de l’industrie de défense indienne
Cette industrie de défense s’est développée sur le sol indien durant la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, les Britanniques étaient réticents à implanter des usines de production d’armements modernes dans le sous-continent, mais le besoin de soutenir l’effort de guerre en Asie et au Moyen-Orient leur imposa la création d’une véritable industrie de défense qui ne se limitait plus seulement à la production de munitions. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette industrie possédait 16 usines de production d’équipements (Ordnance Factories, OFs) ainsi qu’une usine aéronautique. Pendant les premières années de l’indépendance, aucune nouvelle usine ne fut construite, mais à partir de 1958 les OFs furent agrandies et le rythme s’accéléra après le conflit contre la Chine à la fin de l’année 1962.
La voie indienne pour le développement de son industrie de défense est proche de la voie qu’elle employait pour développer économiquement le pays. Une proportion significative de la production du secteur de la défense et de la recherche-développement était sous contrôle étatique. C’était le résultat des Industrial Policy Resolutions de 1948 et 1956 qui plaçaient le développement de tous les secteurs clés de l’économie, comme les machines-outils, les chemins de fer, la production de matières premières et l’industrie de défense sous le contrôle de l’État. La participation du secteur privé était limitée à la fourniture de biens aux 8 entreprises publiques du secteur de la défense (Defense Public Sector Undertakings, DPSUs) dont la création s’étale de 1954 à 1973. Ce processus est similaire à celui suivi par d’autres pays en voie de développement. Dans le cas indien, l’évolution peut être divisée en trois étapes, la première va de l’indépendance au début des années 1960, la seconde va de la guerre sino-indienne (1962) jusqu’au milieu des années 1980, la dernière période s’étend du milieu des années 1980 à nos jours.
Les phases de développement
Durant la première période, le pays possédait seulement les capacités de produire des obus, des armes de petits calibres et autres munitions. Il n’avait qu’une capacité limitée de maintenance pour son aéronautique et sa marine héritées de la partition et se fournissait en équipement principalement auprès de la France et du Royaume-Uni. Pendant la seconde période, des efforts furent entrepris pour développer des capacités de production locales, notamment par l’assemblage sous licence de matériels venant d’Union soviétique et du Royaume-Uni. Après la défaite de 1962, les autorités du pays ont été plongées dans une grande confusion qui a ensuite affecté l’industrie de défense. L’Inde était humiliée et commença à chercher dans les capacités de son industrie de défense les moyens de rebondir, mais constata qu’elle était incapable de remplir son rôle principal. Par exemple, l’Indian Air Force avait besoin d’un intercepteur supersonique à haute altitude pour contrer la menace du bombardier B-57 pakistanais (fourni par les États-Unis) et du Tu-16 chinois (fourni par l’URSS). Avec l’impossibilité pour les Indiens d’acquérir le F-104 américain malgré d’âpres négociations, l’URSS a accepté d’aider l’Inde en lui fournissant des Mig-21 et en lui permettant de les construire sous licence.
L’aide de l’URSS
La quête indienne de self-reliance a connu, grâce à l’aide de l’URSS, un coup d’accélérateur même si cette période n’est souvent considérée que comme une ère de production sous licence. En effet, les capacités de production n’étaient utilisées qu’à 40 % ou 50 % et la qualité de celle-ci était généralement médiocre et portait sur des armes de faible technologie. Les DPSUs jouèrent un rôle important durant cette phase et l’industrie de défense élargit ses activités à des productions périphériques comme la conception d’uniformes. La dernière période commença avec d’importantes commandes d’armes à l’URSS de la part du gouvernement de Rajiv Gandhi. L’Inde dépensa en moyenne 3,3 % de son PNB pour sa défense sur cette période. À la fin de la décennie, l’Inde possédait la quatrième armée de terre, la cinquième armée de l’air et la sixième marine du monde et pendant que le pays devenait le premier importateur d’armes conventionnelles au monde, il ne négligea pas ses propres capacités de recherche et de développement dont le budget augmenta de 36 % sur la période 1991-1995.
La chute du mur et le programme nucléaire
Après les essais nucléaires indiens de 1998, diverses sanctions furent imposées au pays, la plupart concernaient l’importation de matériels militaires et des composants qui pouvaient servir à la fois dans la production civile et la production d’armements. Ces sanctions portaient sur plus de 150 articles qui concernaient directement de nombreux programmes de recherche-développement. Malgré leurs étendues, l’impact de ses sanctions fut moins important qu’en 1974 après l’essai nucléaire pacifique de Pokharan, une époque où l’industrie ne pouvait pas répondre aux besoins des programmes de recherche-développement. La chute du mur et la disparition de l’URSS ne firent que renforcer l’Inde dans la voie du développement de son industrie de Défense car les fournisseurs ex-soviétiques étaient maintenant répartis dans la Communauté des États indépendants, ce qui compliquait l’approvisionnement en armes. Un nombre croissant de militaires et d’hommes d’affaires réclamait une réforme radicale de cette industrie, notamment par une participation plus importante du secteur privé ainsi que par la constitution de joint-ventures avec des firmes étrangères. L’Inde avait l’ambition en 2002 d’être capable de produire 70 % de ses besoins en production indigène d’ici 2010.
Les capacités de cette industrie de défense reposent donc sur trois types d’entreprises : les usines de production d’équipements (Ordnance Factories, OFs), les entreprises publiques du secteur de la défense (Defense Public Sector Undertakings, DPSUs) et un tissu d’entreprises publiques et privées, sélectionnées, dont le fonctionnement est assuré par le ministère de la Défense et les différents départements qui le composent.