Pakistan
L’Inde et le Pakistan
Les politiques extérieures menées par l’Inde ou le Pakistan se définissent souvent l’une en fonction de l’autre avec en toile de fond un antagonisme qui trouve son origine dans la formation des deux pays. Outre la partition et la zone marécageuse de « Sir Creek » à l’extrémité sud de la frontière, le problème du Cachemire dans le contentieux indo-pakistanais tient une place centrale. Il fut la source des deux premières guerres indo-pakistanaises de 1948 et 1965 ainsi que du conflit du Kargil à l’été 1999. Cette région, située à cheval sur la frontière, est importante pour l’Inde, car son abandon accentuerait la vulnérabilité des plaines du Pendjab, de l’Haryana et des voies de communication qui conduisent vers le Ladakh. Pour le Pakistan, en plus de la proportion importante de musulmans présente, le Cachemire est la source de l’Indus et de nombreuses rivières qui sont indispensables pour le système d’irrigation du pays.
L’État du Jammu-et-Cachemire, ancien État princier à majorité musulman et dirigé par un maharadjah hindou, fut rattaché à l’Union indienne en octobre 1947. Ayant refusé au départ de rejoindre l’Union indienne ou le Pakistan, le maharadjah chercha à demeurer indépendant, mais l’infiltration de combattants pakistanais le poussa à chercher l’appui de l’Inde qui l’intégra dans la République fédérale. Dès mars 1948, l’armée indienne affrontera celle du Pakistan venue soutenir ses partisans. Pour mettre fin à cette situation, l’Inde fit appel à l’Organisation des Nations Unies qui émit plusieurs résolutions sur le sujet dont la plus importante est celle du 21 avril 1948 appelant à l’organisation d’un plébiscite. Le travail de la Commission des Nations Unies pour l’Inde et le Pakistan commença dans des conditions délicates. Elle fixa le 13 août les conditions d’un cessez-le-feu dans des termes plus favorables à l’Inde, ce que le Pakistan rejeta. Dans le même temps, la mort du leader pakistanais Jinnah et l’amélioration de la position militaire indienne au Cachemire à l’automne 1948 mirent le Pakistan dans une position défavorable, il dut accepter l’accord et un cessez-le-feu prit effet le 1er janvier 1949[1]Gerbet Pierre, Les Nations Unies et le conflit, Revue française de science politique, 16ème année, n°6, 1966.. Cependant, aucun accord ne put être trouvé quant au retrait total des troupes de la région, pakistanaises ou indiennes. Aussi, les deux armées se retrouvèrent postées de part et d’autre d’une ligne de contrôle qui divisait de facto le Cachemire en deux. Les deux tiers formant l’État indien du Jammu-et-Cachemire, le Pakistan administrant le dernier tiers. New Delhi, qui fut dans un premier temps un supporteur enthousiaste des Nations Unies, devint alors méfiante à son égard, car les nombreuses résolutions sur ce sujet suggéraient de rouvrir la question de l’accession du Cachemire à l’Inde, ou alternativement, d’une nouvelle partition de l’ex-État princier en vertu du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cela pourrait constituer un précédent en cas de référendum qui accorderait l’autonomie, car d’autres États princiers mal ralliés à l’Union indienne pourraient suivre la même voie.
La seconde guerre indo-pakistanaise de 1965 trouve encore son origine dans une querelle territoriale au Cachemire. Le Pakistan, en plein rapprochement avec la Chine, voulut vraisemblablement tirer parti de la faiblesse apparente de l’Inde après sa défaite contre la Chine trois ans plus tôt. La guerre s’achèvera par une victoire indienne et une médiation soviétique[2]Troudi Fadhel, Le conflit du Cachemire : un demi-siècle d’affrontements indo-pakistanais, 2008.. Après le conflit de 1971 et la création du Bangladesh, l’Inde et le Pakistan signèrent en 1972 l’accord de Simla qui prévoyait que les deux pays devaient résoudre leurs différends par des moyens pacifiques au travers de négociations bilatérales[3]Grare Frédéric, Les ambitions internationales de l’Inde à l’épreuve de la relation indo-pakistanaise, CERI, 2002.. Dans les années 1980, plusieurs crises provoquèrent des tensions. Tout d’abord, la présence des Soviétiques en Afghanistan amena les Américains à octroyer une aide d’un montant de 3,3 milliards de dollars au Pakistan, dont la moitié en équipements militaires, tandis que l’Inde avait reçu l’année précédente 4,2 milliards d’aides de la part de l’Union soviétique. Ensuite, en avril 1984, l’Inde lança l’opération Meghdoot qui avait pour but de contrôler le glacier du Siachen, un point élevé du Cachemire dominant des voies de communication entre les montagnes Karakoram et la partie tenue par l’Inde. Auparavant une zone considérée comme inhabitable, l’armée indienne en fit le plus haut champ de bataille du monde, mais la lutte s’avéra extrêmement coûteuse et politiquement insoluble. En octobre de la même année, les services de renseignements pakistanais apprirent que les Indiens projetaient une attaque-surprise du centre de recherche nucléaire de Kahuta, les Pakistanais avertirent l’Inde des conséquences d’une telle attaque qui n’eut jamais lieu tandis que l’assassinat d’Indira Gandhi à la fin du mois apaisa quelque peu les tensions.
Cinq années plus tard, avec le groupe Jammu and Kashmir Liberation Front débute l’insurrection nationaliste musulmane au Cachemire qui fut timidement soutenue par le Pakistan au départ, mais plus fermement quand des groupes propakistanais se constituèrent, comme le Hizbul Mujahedin soutenu par les services secrets pakistanais, l’ISI. Au milieu des années 1990, d’autres groupes islamistes apparurent comme le Lashkar-e-Toiba, composés de militants cachemiris et internationaux, parfois venus des groupes afghans. En 1995-1996, les forces armées indiennes parvinrent à réduire les rangs des militants et la lassitude de la population locale fit qu’elle se détourna des groupes insurrectionnels et participa aux élections de septembre 1996.
En mai 1998, New Delhi et Islamabad procédèrent à leurs essais nucléaires et les Premiers ministres indien et pakistanais se rencontrèrent le 21 février 1999 à Lahore. La rencontre avait pour but de s’accorder pour réduire le risque de laisser éclater une guerre nucléaire par accident. Un groupe de travail fut créé pour discuter du Cachemire et un autre canal de négociation plus officieux fut également mis en place avec l’ancien secrétaire des Affaires étrangères pakistanais Niaz Naik et un parlementaire indien, R. K. Misra pour faire progresser la relation, mais avec l’affaire de Kargil, les négociations n’aboutirent pas. En mai 1999, les Indiens découvrirent que des militants et combattants originaires de la partie du Cachemire administrée par le Pakistan (PoK ou Pakistan occupied Kashmir) s’étaient infiltrés sur les hauteurs dominant la ville de Kargil et contrôlaient de ce fait la route entre Srinagar et Leh[4]From surprise to reckoning, The Kargil review committee report, New Delhi, 1999, https://fr.scribd.com/doc/152396717/Kargil-Review-Committee-Report-1999, consulté le 12 mai 2010. Après des combats pour repousser les Pakistanais au-delà de la ligne de contrôle, les pressions américaines et chinoises contraignirent le Pakistan au retrait. L’affaire du Kargil fut ressentie par la partie indienne comme une trahison, si peu de temps après la visite du Premier ministre Vajpayee à Lahore. Au Pakistan, ce retrait conduisit le commandant en chef des armées, Pervez Musharraf, à renverser le Premier ministre Sharif en octobre.
Le sommet indo-pakistanais d’Agra en juillet 2001 se solda lui aussi par un échec, ce qui témoigne de la difficulté d’obtenir une acceptation politique simultanée en Inde et au Pakistan. Après l’attaque sur le parlement indien en décembre 2001, les relations indo- pakistanaises entrèrent dans une phase difficile avec le retrait des ambassadeurs, la rupture des communications aériennes et terrestres et une importante mobilisation de part et d’autre de la frontière, l’Inde accusant le Pakistan d’avoir organisé l’attaque[5]Etienne Gilbert, Un triangle dangereux : Inde-Pakistan-Afghanistan, Politique étrangère, 2003, Volume 68, Numéro 3-4.. La crise fut désamorcée suite à plusieurs déclarations et mesures prises de part et d’autre.
La fin de la guerre froide n’a pas entamé la méfiance des deux pays l’un envers l’autre et la confrontation est-ouest a même renforcé les capacités militaires des deux pays. Ces dépenses pèsent donc sur l’économie du pays et l’Asie du Sud reste la seule région du monde ou deux États dotés l’un et l’autre de l’arme nucléaire se font face. Le 18 avril 2003, le Premier ministre indien lança un appel à la réconciliation, auquel répondit sans tarder son homologue pakistanais et un sommet bilatéral se tint en janvier 2004. Après un cessez-le-feu sur la ligne de contrôle décidé conjointement en novembre 2003, un dialogue structuré se met en place, mais il sera régulièrement perturbé par une série d’attentats en Inde. Ce dialogue survécut aux attentats de Mumbai en juillet 2006, mais pas à ceux de novembre 2008. D’autre part, les Pakistanais accusent régulièrement les Indiens de provoquer des troubles dans la région pakistanaise du Baloutchistan tandis que l’Afghanistan n’était pas absent de l’équation, particulièrement après les attentats contre les représentations diplomatiques indiennes dans le pays où l’Inde voyait la main des services secrets pakistanais.
Cependant, le dialogue bilatéral a repris dès janvier 2010 avec l’échange d’une liste d’installations nucléaires de part et d’autre de la frontière dans le cadre d’un accord empêchant toute attaque préventive sur ces sites. En mars 2011, les Premiers ministres indien et pakistanais se rencontrèrent en marge de la demi-finale de la coupe du monde de cricket qui opposait l’Inde au Pakistan et des rencontres entre fonctionnaires des Affaires étrangères ont lieu régulièrement. Reste à savoir si les attentats commis à Mumbai le 13 juillet 2011 auront un impact sur le réchauffement des relations, cependant, sur ce point, on constate un changement dans la stratégie indienne qui n’accuse plus systématiquement le Pakistan d’être derrière chaque attentat commis sur le sol indien. L’année 2012 sera marquée par une volonté bilatérale de relancer la relation commerciale en négociant des réductions de droits de douane, le Pakistan accordant à l’Inde la clause de « Nation la plus favorisée » tandis que l’Inde levait les restrictions sur les investissements pakistanais en Inde.
La Chine et le Pakistan
C’est aussitôt après l’Inde, le 5 janvier 1950, que le Pakistan avait reconnu la République populaire de Chine et établi des relations diplomatiques le 21 mai 1951. Islamabad ne voulait pas laisser à l’Inde l’exclusivité des rapports avec la RPC alors que celle-ci avait des frontières communes avec le Cachemire. Parallèlement, le gouvernement pakistanais cherchait à se rapprocher du bloc occidental, il adhéra à l’OTASE en 1954 et signa un accord militaire avec les États-Unis la même année. Le Premier ministre chinois rencontra son homologue pakistanais pendant la conférence de Bandung en 1955 et les deux hommes s’accordèrent pour renforcer les relations entre les deux pays. Cependant, de 1957 à 1959, il n’y eut pas d’échanges de haut niveau et quand le Pakistan se prononça en octobre 1959 en faveur de l’inscription de la « question tibétaine » à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU, les relations se refroidirent pour une courte période. Toutefois, les Pakistanais comprirent les avantages qu’ils pourraient tirer des difficultés sino-indiennes, et ils voyaient dans la RPC un allié sur la question du Cachemire. À la fin de l’année 1959, Islamabad annonça son intention de négocier le tracé de sa frontière avec la Chine et en mars 1961, de premiers contacts eurent lieu, mais la Chine se montra réticente, car la frontière en question se situait dans une région revendiquée à la fois par l’Inde et le Pakistan. Ce ne fut que lorsque les rapports se tendirent avec l’Inde que Pékin accepta en février 1962 d’entreprendre des négociations qui commencèrent en mai. Le 26 décembre, les deux parties arrivèrent à un accord et le traité fut signé à Pékin le 2 mars 1963. L’Inde réagit vivement devant la cession de territoires, qu’elle considérait comme siens, à un pays qui venait de la défaire militairement.
Plusieurs accords économiques furent signés entre les deux pays et l’année suivante était mise en chantier la route reliant le Xinjiang à la zone pakistanaise du Cachemire à l’occasion de la visite en février 1964 de Zhou Enlai, route de l’« amitié sino-pakistanaise » terminée en 1978. Entre 1959 et 1969, le commerce bilatéral passa de 11 millions de dollars à 55 millions et progressivement, une coopération concrète s’instaurait, fondée sur une convergence d’intérêts face à l’Inde et à l’URSS. D’autre part, entre 1965 et 1971, le Pakistan supporta la restauration des droits de la RPC au Conseil de sécurité de l’ONU, tandis que la Chine populaire lui fournissait du matériel militaire et une assistante technique pour son programme nucléaire et balistique. Dans les années 1970 et 1980 eurent lieu de nombreuses visites de haut niveau tandis que la Chine soutenait le Pakistan sur la question du Cachemire, et ce jusqu’aux années 1990, et qu’Islamabad reconnaissait en 1987 la souveraineté chinoise sur l’Aksaï Chin.
Cette « amitié à toute épreuve » ne se limitait pas à une simple opposition à l’Inde ou à l’URSS. Une coopération culturelle, scientifique et technologique fut mise en place dès 1965, mais ce sont les accords de défense ainsi qu’une coopération dans le domaine du nucléaire qui furent les plus importants, et les plus inquiétants pour New Delhi. D’autre part, Pékin voulait pouvoir disposer d’une infrastructure qui lui permettrait de sécuriser son accès vers la mer d’Arabie et son approvisionnement énergétique. C’est une des raisons du financement du port de Gwadar, situé du côté iranien et proche du détroit stratégique d’Ormuz. Un « traité d’amitié, de coopération et de relations de bon voisinage » fut signé le 5 avril 2005 et, lors de la visite de Wen Jiabao en décembre 2010, la Chine accepta d’aider le Pakistan à développer son industrie spatiale et électronique ainsi qu’à rénover et améliorer la route qui reliait Islamabad au Xinjiang, en passant par les montagnes Karakoram. À cette occasion l’année 2011 sera désignée « année de l’amitié sino-pakistanaise ».
Le Pakistan est également pour la Chine une porte d’entrée vers le monde musulman, comme le fut l’Indonésie dans les années 1950, c’est une des raisons des nombreux investissements qu’elle y fait. Cependant, ce n’est pas sans risque pour ses ressortissants et ingénieurs qui participent à la réalisation des projets chinois. La RPC connaît elle aussi des problèmes avec le militantisme islamiste dans sa province du Xinjiang et elle a mis en place une coopération discrète avec le Pakistan sur cette question. Les heurts entre Ouïgours et Hans au Xinjiang en juillet 2009 auraient fait près de 200 morts, ils provoquèrent un appel de la part d’un responsable d’Al-Qaïda à un djihad contre la Chine. Lors de nouveaux affrontements au Xinjiang entre Hans et Ouïghours le 1er août 2011, Pékin accusait des militants extrémistes religieux entraînés au Pakistan d’être responsable des attaques contre les civils.
Sa proximité avec le Pakistan ne fait donc aucun doute et si la RPC avait adopté une posture neutre lors de l’affaire du Kargil en 1999, ce n’est plus le cas en 2015 avec la conclusion d’un accord sur le China-Pakistan Economic Corridor (CPEC) qui prévoit d’importants travaux d’infrastructures réalisés par la Chine dans un territoire que Delhi considère comme sien, le Cachemire.
Afghanistan
Pays composé de nombreuses ethnies, l’Afghanistan connut une ouverture démocratique avec la constitution de 1964, mais les rivalités intra-afghanes rendaient la gestion du pays difficile. En 1973, profitant de l’absence du roi Zaher Shah en déplacement en Europe, le prince Daud proclama la république dont il devint président pour être renversé cinq ans plus tard par les mêmes officiers procommunistes qui l’avaient soutenu. La guerre de 1979 à 1989 suscita l’émergence d’une multitude de commandements de la résistance chez les Pachtounes, 40 % de la population, et les Tadjiks, 30 %, sous la direction de Massoud. Après la chute du gouvernement communiste en 1992, les dissensions dégénèrent en guerre civile, aggravées par l’entrée en scène des talibans en 1994.
L’Inde et l’Afghanistan partagent des liens culturels et politiques anciens. New Delhi a toujours considéré l’Afghanistan comme un voisin immédiat malgré l’absence d’une frontière commune. Aussi, jusqu’à l’arrivée au pouvoir des talibans, elle a apporté son soutien aux gouvernements de Kaboul et ce fut l’un des premiers États non communistes à reconnaître le gouvernement installé par l’Union soviétique après l’invasion. Le retrait soviétique laissa les mains libres aux Indiens et après la victoire des talibans en 1996, l’Inde soutient activement l’Alliance du Nord repliée dans la vallée du Panshir. À la chute des talibans en 2001, les liens entre Kaboul et New Delhi se sont nettement resserrés, d’autant que l’homme à la tête du nouveau régime, Hamid Karzaï, a des affinités personnelles avec l’Inde où il a effectué une partie de ses études. À partir de 2002, l’Inde participe aux efforts internationaux pour soutenir le nouveau régime et c’est le sixième donateur international et le premier donateur de la région. Elle y voit un allié qui lui permettrait d’accéder aux ressources énergétiques d’Asie centrale, comme au Turkménistan ou au Kazakhstan tandis que l’Afghanistan est à la recherche d’un contrepoids à la puissance pakistanaise avec qui il entretient des relations particulières du fait de la porosité de la frontière.
Le commerce bilatéral est en augmentation, mais il est contrarié par la situation indo-pakistanaise, les produits afghans peuvent traverser le Pakistan à destination de l’Inde, mais l’inverse n’est, à ce jour, pas possible. C’est pourquoi l’Inde participe au développement du port iranien de Chabahar qui lui permettrait de contourner le Pakistan. Lors de l’ouverture des consulats indiens d’Herat, de Mazar-e-sharif, de Jalalabad et de Kandahar, le Pakistan a protesté en affirmant que ces enceintes diplomatiques servaient de base arrière pour les opérations menées par les services secrets indiens contre le Pakistan. En réponse à ces accusations, les Indiens accusent l’ISI d’être responsable des attaques commises à l’encontre des ressortissants indiens travaillant en Afghanistan ainsi que des attentats contre l’ambassade indienne de Kaboul en juillet 2008 et octobre 2009. En décembre 2010, un accord a été trouvé sur un projet de gazoduc entre le Turkménistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde (TAPI), un projet qui date des années 1990, mais qui fut perturbé par l’arrivée des talibans.
La Chine implémente une stratégie différente en Afghanistan. Bien que les liens sino-afghans ne soient pas aussi anciens, les relations entre les deux pays n’étaient pas grevées par une « mémoire historique négative ». Après l’établissement des relations diplomatiques en 1955, un traité d’amitié fut signé en août 1960, complété en novembre 1963 par un traité de délimitation des frontières. Quand les communistes prirent le pouvoir à Kaboul, Pékin était préoccupée par le traité de paix avec le Japon, le rapprochement avec les États-Unis et la crise vietnamienne aussi ses réactions furent discrètes. Néanmoins, elle réagit vivement quand les Soviétiques l’envahirent, l’Afghanistan étant à la fois proche du Xinjiang, mais aussi du centre atomique de Lop Nor. Elle suspendit les négociations en cours avec l’Union soviétique et participa au boycott des Jeux olympiques de Moscou.
Comme l’a fait New Delhi, elle a décidé lors de la chute des talibans de s’engager activement dans la reconstruction de l’Afghanistan, mais, à la différence de l’Inde, elle procède à des investissements massifs dans l’économie afghane en plus d’une assistance financière plus modeste que l’Indienne. En échange de cette aide, elle a obtenu du gouvernement afghan l’assurance que le territoire ne servirait pas de base arrière aux séparatistes ouïgours. Les deux parties signèrent en 2006 un accord de coopération dans la lutte contre le terrorisme et la lutte antidrogue, année qui marquera une étape clé de l’approfondissement des relations bilatérales, Hamid Karzaï se rendit au sommet de l’OCS et ensuite à Pékin. Hu Jintao souhaite que la Chine entretienne l’amitié sino-afghane sur le long terme et élargisse la coopération économique et commerciale et, en 2008, un nouveau « Traité de bon voisinage et de coopération amicale » est signé.
La Chine privilégie l’investissement pour promouvoir la stabilité économique tout en cherchant à assurer son approvisionnement en ressources naturelles alors que l’Inde y fait preuve d’un idéalisme solidaire en assurant la fourniture d’électricité à Kaboul ou en investissant de fortes sommes dans des programmes sanitaires et alimentaires. Malgré les attaques contre ses consulats, l’implication de l’Inde dans la construction d’une société stable, démocratique et pluraliste ne faiblit pas. Cependant, les Indiens restent une cible privilégiée des insurgés, en février 2010, une nouvelle attaque coûtera la vie à sept Indiens. Delhi a pourtant beaucoup misé sur la stabilisation du pays par la coalition de l’OTAN, mais devant l’incapacité des États-Unis et de ses alliés et ensuite par leur retrait en 2014, l’Inde s’est rapprochée sur cette question des États pouvant peser sur la politique afghane, la Russie et la Chine. C’est une des raisons de son admission en 2017 dans l’Organisation de Coopération de Shanghai. Au sommet sino-indien de Wuhan en 2018, les deux pays ont lancé l’initiative « Chine-Inde Plus » afin de favorise leur coopération dans les pays tiers, en premier lieu l’Afghanistan.
Références[+]
↑1 | Gerbet Pierre, Les Nations Unies et le conflit, Revue française de science politique, 16ème année, n°6, 1966. |
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↑2 | Troudi Fadhel, Le conflit du Cachemire : un demi-siècle d’affrontements indo-pakistanais, 2008. |
↑3 | Grare Frédéric, Les ambitions internationales de l’Inde à l’épreuve de la relation indo-pakistanaise, CERI, 2002. |
↑4 | From surprise to reckoning, The Kargil review committee report, New Delhi, 1999, https://fr.scribd.com/doc/152396717/Kargil-Review-Committee-Report-1999, consulté le 12 mai 2010 |
↑5 | Etienne Gilbert, Un triangle dangereux : Inde-Pakistan-Afghanistan, Politique étrangère, 2003, Volume 68, Numéro 3-4. |