Cette guerre ne résolut aucun problème et, au contraire, glaça les relations. L’Inde ouvrit des négociations avec Taïwan et le parlement indien adopta une résolution statuant sur sa détermination à récupérer le territoire perdu. La RPC continua au grand jour sa politique d’isolement de l’Inde, à la fois dans le Mouvement des non-alignés et dans la région. Le conflit précipitera le rapprochement indo-soviétique, l’URSS dans l’océan Indien et poussera la Chine vers le Pakistan. Ce n’est qu’après 1962 que la RPC soutint le droit à l’autodétermination du peuple cachemiri[1]Acharya Alka, China&India, Politics of Incremental Engagement, Delhi, Har-Anand, 2008, p. 51., une position dangereuse si on la compare à Taïwan ou au Tibet. La Chine aurait commencé à la même période à apporter son soutien au mouvement Naxalite ainsi qu’aux rebelles Naga et Mizo dans les États indiens du Nord-Est tout en dénonçant la mise sous tutelle des royaumes himalayens par New Delhi[2]Gauchon Pascal (Dir.), Inde, Chine à l’assaut du monde, Rapport Antheios 2006, Paris, PUF, 2006, p. 78.. Lors de la Deuxième Guerre indo-pakistanaise qui débuta le 1er septembre 1965, la Chine prit fait et cause pour le Pakistan en la menaçant d’intervenir.
Parmi les facteurs externes, la mise en place de la « doctrine Brejnev » en juin 1969 qui prévoyait un « système de sécurité collective en Asie » joua un rôle important. L’URSS considérait que l’Inde, le Pakistan et l’Afghanistan en constitueraient le cœur. La Chine choisit donc de renforcer l’axe sino-pakistanais pour ne pas être coupée de l’Asie du Sud. Cependant, Indira Gandhi annonça en octobre que l’Inde ne s’engagerait pas dans une alliance militaire contre la Chine et qu’elle appuierait l’ouverture de négociations avec elle, en commençant par le commerce, ce qui provoqua de vives critiques à son encontre au parlement indien.
1971, année charnière
Le début des années 1970 fut marqué par deux événements importants dans les relations sino-indiennes, le traité indo-soviétique d’août 1971 et la partition du Pakistan en décembre. La position chinoise est délicate, car elle entend soutenir son allié pakistanais, mais hésite à condamner ce qu’elle voit comme une guerre de libération au Pakistan oriental. Quand les troupes indiennes pénètrent au Pakistan oriental le 3 décembre, la Chine soutient à l’ONU, pour son premier vote en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, un texte d’origine américaine exigeant le cessez-le-feu. L’Inde reconnaîtra le Bangladesh le 6 et les troupes pakistanaises se rendirent le 16. Le nouvel État fut reconnu par l’URSS et par plusieurs États socialistes, mais non par la RPC, du moins dans l’immédiat. En 1974, un nouvel appel d’Indira Gandhi pour l’ouverture de négociations sino-indienne fut lancé, mais l’annexion du Sikkim en 1975 raviva les critiques chinoises.
Finalement, ce ne fut qu’en 1976 que les deux pays acceptèrent de rehausser au niveau des ambassadeurs leurs représentations diplomatiques respectives. En 1977, avec l’alternance politique en Inde, l’attitude de la Chine s’assouplit et les échanges commerciaux reprirent, mais c’est avec la visite du ministre des Affaires étrangères indien, M. Vajpayee, à Pékin en février 1979 qu’un espoir de normalisation se fit jour. Cependant, elle coïncida avec l’offensive chinoise contre le Vietnam, État ami de l’Inde, sans que les Indiens soient prévenus. Vajpayee écourta sa visite et les relations se refroidirent une nouvelle fois. Il avait quand même pu rencontrer le vice-président chinois, Deng Xiaoping qui lui aurait déclaré que la dispute ne devait pas empêcher les deux pays de progresser dans d’autres domaines que les frontières.
Cependant, 1978 sera marquée par le début des réformes économiques en Chine et une timide ouverture, la question indienne, oblitérée par l’attrait du Japon, des Nouveaux Pays Industrialisés et de l’Occident, était devenue assez marginale dans les préoccupations internationales de Pékin.