Les tensions sino-indiennes

Le dessous des cartes

Les influences étrangères En dehors des discussions sino-indiennes, d’autres facteurs interviennent durant cette période. Tout d’abord, les tensions deviennent de plus en plus fortes

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Les tensions sino-indiennes

Les premiers accrochages

L’insurrection tibétaine et la relation sino-indienne Après l’insurrection tibétaine de mars 1959 et l’arrivée du Dalaï-lama en Inde le 3 avril, l’APL se lance

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Les opérations

Le 20 octobre, l’APL débuta son offensive. Même si la frontière dans son intégralité était en question, les combats n’eurent lieu que dans des lieux ou la Chine pensait que ses revendications étaient légitimes et la zone centrale ne connut pas d’opérations d’envergure. Sur le front ouest, la Chine voulait expulser les Indiens de la vallée Chip Chap dans la région de l’Aksaï Chin et les repousser au-delà de la ligne définie en 1960. À l’est, les combats se déroulent autour de Tawang et de la rivière Namka Chu mais aussi au niveau de Walong ou une borne chinoise avait été posée en 1910.

Première phase – Mi-octobre – fin octobre

Front ouest

Dans la région de l’Aksaï Chin, l’APL contrôlait déjà la plupart des territoires disputés. Le 20, ils attaquèrent la vallée de Chip Chap, de Galwan et autour du lac Pangong. Galwan, qui était encerclée par intermittence depuis août, était défendue par 30 hommes. Toute la journée du 20, ils tinrent tête à 500 Chinois mais le poste tomba dans la soirée et seulement un Indien survécut. De nombreux avant-postes indiens furent attaqués et détruits, les forces indiennes étaient incapables de se défendre contre des troupes supérieures en nombre et elles ne pouvaient pas compter sur l’arrivée rapide de renforts. Dans cette première phase de combats, les pertes indiennes étaient très élevées. Le 21 octobre, après d’âpres combats, les Chinois prirent la rive nord du lac Pangong mais ne s’approchèrent pas de Daulet qui se trouvait au sud de « leur » ligne, celle de 1960. Le 24, les troupes indiennes, des Gurkhas, se battirent férocement sur la crête de Rezang-La, à Chang-La et Jara-La pour empêcher la chute de l’aéroport de Chushul. Si Chushul tombait, Leh aurait été directement menacée et sa chute aurait entraîné la perte du Ladakh. Le 27, après avoir subi d’importantes pertes, l’APL fit une pause dans l’offensive pour se réorganiser. Le commandement indien de l’ouest, voyant l’importance de l’attaque, ordonna que les avant-postes isolés se replient au sud-ouest, au-delà de la frontière revendiquée par la RPC. Grâce aux troupes qui s’étaient repliées, les Indiens disposaient maintenant de forces concentrées autour de Leh, la capitale du Ladakh.

Front est

L’attaque fut lancée sur les berges sud de la rivière Namka Chu le 20 octobre au nord de Tawang. Dans cette zone, les forces indiennes, des Rajpoutes, affrontaient des vétérans de la guerre de Corée par un froid glacial. Ils ne disposaient que de 150 cartouches et 2 grenades par soldat et leurs trois mortiers ne pouvaient tirer que pendant cinq minutes. Les Indiens s’attendaient à ce que les forces chinoises traversent sur un des cinq ponts et construisirent des positions défensives sur ces points stratégiques. L’APL traversa la rivière et se positionna sur les berges sud durant la nuit. À cinq heures du matin, les mortiers chinois commencèrent à pilonner les positions indiennes tandis que leurs soldats coupaient les lignes de communication. Sous le déluge de 150 pièces d’artillerie, les Indiens étaient obligés de se réfugier dans les bunkers. À 6h30, les forces chinoises déjà présentes sur la berge sud attaquèrent les troupes indiennes à revers qui durent se replier au Bhoutan pour éviter d’être anéanties par des forces supérieures en nombre. Les Chinois respectèrent la frontière et ne se lancèrent pas à leur poursuite. Ils occupaient maintenant les territoires âprement disputés durant la confrontation de Thag-La et continuèrent d’avancer dans le territoire de la NEFA. La position indienne de Tsang-Le fut ignorée, sûrement car elle se situait au Bhoutan. Après les victoires de Thag-La et de Namka Chu, l’APL lança une offensive sur Tawang qui fut évacué par les Indiens le 23 octobre pour se replier sur Se-La. Des attaques furent lancées sur tous les avant-postes indiens dans la zone de Tawang.

L’offensive sur Walong commença le 22 octobre. Walong est un village situé à la jonction du Tibet, de la Birmanie et de l’Inde sur une ancienne route commerciale à plus de 3500 mètres d’altitude. Les mortiers chinois pilonnèrent les positions avancées indiennes au petit matin qui furent abandonnées après 4 heures de combat. Les Indiens se replièrent sur Walong pour se réorganiser. Le 23, l’APL avança sur Walong mais les quelques mortiers indiens furent utilisés avec efficacité et repoussèrent l’offensive. Lorsque les Chinois mirent le feu à la végétation, les forces indiennes durent à la fois les combattre, mais aussi combattre le feu. Dans la confusion qui suivit, les troupes chinoises s’approchèrent des faubourgs de Walong qui était encore défendu par la quatrième brigade Sikh. Fin octobre, le commandement indien fut réorganisé ce qui provoqua une grande confusion tactique. Par exemple, la 11ème brigade Gurkha fut envoyée pour défendre Walong mais entre-temps, elle fut détournée sur l’avant-poste de Hayuliang, déjà renforcée par une autre brigade. Walong n’était défendu que par la 4ème brigade sikh qui à elle seule devait couvrir un front de plus de 6 kilomètres tandis que l’APL lançait de nombreuses offensives. Malgré cela, le front resta sensiblement le même jusqu’à la deuxième phase qui débuta le 14 novembre.

Après ces victoires, la majorité des forces chinoises avaient avancé de 16 kilomètres et les quatre jours de combat furent suivis par deux semaines d’accalmie. Zhou Enlai ordonna à l’APL d’arrêter sa progression et tenta de négocier avec Nehru. Dès le 24 octobre, l’APL occupait des territoires auparavant administrés par l’Inde ce qui donnait à la RPC une position diplomatique plus forte sur l’Inde.
Il envoya une lettre à Nehru proposant :
– Une négociation sur le tracé de la frontière.
– Que les deux parties se retirent à 20 km de la ligne actuelle de contrôle.
– Les Chinois se retirent de la NEFA.
– La Chine et l’Inde ne traversent plus la ligne de contrôle actuelle dans l’Aksaï Chin.

Nehru désirait le retour de la paix et suggéra un retour aux frontières du 8 septembre mais il voulait une zone démilitarisée élargie pour être capable de résister à une nouvelle offensive. Zhou répondit le 4 novembre et rappela la proposition de 1959, le retour à la ligne McMahon dans la NEFA mais le respect de la ligne McCartney/McDonald en Aksaï Chin.

Le parlement indien déclara une situation d’urgence nationale et vota une résolution pour expulser les agresseurs du sol sacré de l’Inde. L’Union soviétique supportait la proposition de paix chinoise, mais elle était occupée par la crise des missiles et l’Inde demanda de l’aide aux Britanniques et aux Américains qui commencèrent à envoyer de l’équipement militaire. Avec le soutien occidental, Nehru répondit à Zhou Enlai le 14 novembre et rejeta ses propositions. Le même jour, les combats reprirent à l’Est.

Deuxième phase – Novembre

Front ouest

En Aksaï Chin, il ne restait que trois avant-postes indiens sur le territoire revendiqué par la Chine, ceux de Gurung Hill, Rezang-La et Magar Hill. Ils défendaient l’accès à Chushul sur la route de Leh et étaient tous situés à plus de 5000 mètres d’altitude. Le 18 novembre à 4H35 du matin, l’artillerie chinoise pilonna les positions indiennes. Elle se concentra sur de faux dépôts de carburants et de munitions que les Indiens avaient installés durant la trêve et seulement un bunker fut touché. L’infanterie chinoise lança l’assaut autour de 6 heures du matin. Bien retranchés, les Indiens décimèrent les premières vagues, mais ils furent obligés de reculer sous la pression chinoise. Après la chute de Gurung Hill, un des trois bastions indiens dans la zone, l’APL se concentra sur Rezang-La défendue par 118 hommes déployés sur 2 kilomètres, sans soutien d’artillerie, mais bien retranchés. Après plusieurs assauts infructueux, les Chinois reçurent un soutien supplémentaire de mortiers et de mitrailleuses pour couvrir l’infanterie qui prit l’une après l’autre les trois positions indiennes. Sur les 118 Indiens, 109 furent tués, 5 capturés et 4 s’échappèrent contre plus de 1000 Chinois tués.

Tactiquement, l’APL contrôlait désormais la passe de Rezang-La et Gurung Hill qui dominaient la dernière position indienne. Pendant la nuit, les Indiens évacuèrent Magar Hill et se replièrent sur des positions défensives en hauteur. Après avoir perdu plus de 1000 hommes dans la bataille de Rezang-La, l’APL aurait dû traverser à découvert et progresser à flanc de collines pour détruire les nouvelles positions indiennes.

Front est

Le 14 novembre étant l’anniversaire de Nehru, les forces indiennes avaient besoin d’une victoire et attaquèrent une position tenue par les Chinois autour de Walong mais l’attaque ne fut pas couronnée de succès et l’APL lança une contre-offensive qui mena à la chute de Walong, les obus d’artillerie ayant été tous utilisés pour l’offensive indienne. Un repli fut ordonné le 16 novembre, mais la plupart des troupes indiennes ne reçurent pas l’ordre et combattirent jusqu’à l’anéantissement. Dans le secteur de Se-La/Bomdi-La, les troupes indiennes étaient étalées sur près de 100 kilomètres entre ces deux bastions, avec le commandement et les principales défenses à Se-La. Cinq bataillons étaient à Se-La, trois à Bomdi-La et deux à Dirang Dzong, situé entre les deux. Les Indiens renforcèrent également la passe de Poshing-La qui avait été utilisée près de 50 ans plus tôt par l’explorateur britannique Bailey en 1913 pour aider McMahon à tracer sa ligne.

Le 15 novembre, les Chinois attaquèrent la passe de Poshing-La et anéantirent les troupes indiennes, trois bataillons furent envoyés en renfort et au matin du 17 novembre, ils furent attaqués par les troupes chinoises qui, malgré de lourdes pertes, réussirent à repousser les troupes indiennes à court de munitions. Ils coupaient maintenant la route allant de Bomdi-La à Dirang Dzong en deux et isolaient 10000 soldats indiens. À Se-La, l’APL lança une offensive en même temps que celle de la passe de Poshing-La sur la forteresse et malgré cinq assauts, l’APL fut repoussé. Ils encerclèrent la forteresse et coupèrent la route plus au sud. Les officiers indiens demandèrent des ordres au général Kaul qui était à ce moment occupé à Walong et lorsque les ordres parvinrent, la situation avait empiré, les trois zones étaient coupées l’une de l’autre. Les troupes indiennes battirent en retraite sous un feu nourri, d’autres tentèrent de rallier Bomdi-La mais furent repoussées.

Des ordres et contre-ordres semèrent la confusion parmi les officiers, le général Kaul ordonnait aux troupes de maintenir leurs positions tandis que les officiers sur place tentaient de se retirer sur des positions plus faciles à défendre. Les seuls tanks indiens disponibles dans la zone ne prirent que très peu part au combat, ils étaient envoyés en renfort sur des positions qui étaient souvent déjà tombées. Dans la nuit du 18 novembre, les forces indiennes tentèrent de se réorganiser autour de Rupa, le dernier bastion dans la NEFA situé dans les hauteurs au sud de Bomdi-La, mais dans la nuit du 19 au 20 novembre, les troupes chinoises lancèrent un assaut décisif qui repoussa les Indiens au sud.

Au matin du 20 novembre, il n’y avait plus de corps d’armée indien organisé dans la NEFA et les Chinois progressèrent jusqu’à la vallée du Brahmapoutre et la ville de Tezpur, la capitale culturelle de l’Assam, qui fut évacuée. Au soir du 20 novembre, le Premier ministre Nehru demanda l’aide des Nations-Unies et une intervention armée ainsi que des bombardiers et des escadrons de chasseurs pour attaquer les positions chinoises sur le territoire indien. Un porte-avions américain était alors en route pour la baie du Bengale.

Le cessez-le-feu et le retrait chinois

Tandis que l’Inde et le monde spéculaient sur ses intentions, la Chine avait atteint son but et contrôlait les zones qu’elle réclamait aussi elle déclara un cessez-le-feu unilatéral le 19 novembre qui devait débuter le 21 à minuit. L’arrivée d’un porte-avions américain dans la zone, les pertes chinoises beaucoup plus importantes durant la deuxième phase que pendant la première, particulièrement à Chushul, et le fait que toute l’armée indienne n’avait pas encore été impliquée dans les combats peuvent être à l’origine de cette décision.

Selon les termes, le 1er décembre 1962, les gardes-frontières chinois se retireraient derrière la ligne de contrôle du 7 novembre 1959. Dans le secteur est, elles se retireraient à 20 km derrière la ligne McMahon et dans le secteur ouest, elles se retireraient de 20 kilomètres derrière la ligne actuelle de contrôle, soit un retour sur le territoire occupé par les troupes de l’APL avant l’escalade. Cela signifiait que l’Inde garderait le contrôle de la NEFA (68 % des terres disputées), mais perdrait celui de l’Aksaï Chin (32 %). La Chine ne conserve donc que la zone qui entoure la route stratégique. En Aksaï Chin, le cessez-le-feu fut respecté immédiatement, quelques combats sporadiques eurent lieu dans la NEFA, principalement des troupes indiennes isolées en retraite vers le sud qui n’avait pas eu connaissance du cessez-le-feu.

En décembre 1962, Nehru annonça que 6,277 Indiens étaient morts ou disparus, le décompte exact sera de 1383 tués, 3968 capturés et 1696 portés disparus, soit 3079 morts. On ne connaît pas le nombre de blessés et la Chine n’a communiqué aucun chiffre. Au début de 1963, les corps des portés disparus furent rapatriés en Inde sous l’égide de la Croix rouge.